André Eugène COSTILHES, artiste peintre (1865-1940)

 

La vie d'André Eugène Costilhes, c'est l'histoire d'un jeune Auvergnat de Cunlhat, ouvrier plâtrier peintre comme son père, qui, grâce à ses remarquables dons pour le dessin, à son opiniâtreté, ainsi qu'au soutien du maire de son bourg et futur ministre Edmond Guyot-Dessaigne, "monte à Paris" à l'âge de dix huit ans, réussit brillamment les Beaux Arts et devient au début du siècle dernier artiste décorateur, professeur de dessin et artiste peintre, dans la capitale.

Il dessine et peint les sujets les plus variés avec des techniques diverses qu'il maîtrise toutes (huiles, aquarelles, gouaches, pastels, fusains), mais c'est dans les domaines du portrait et de la sanguine (portraits, nus, monuments, paysages, marines) qu'il atteint le sommet de son art. Il fait évoluer sa formation académique à l'Ecole des Beaux Arts, sous l'influence des impressionnistes, aimant comme eux travailler sur le motif en plein air. Mais dans le monde artistique de la première moitié du XXème siècle qui se voulait avant tout novateur, il n'obtient ni la gloire ni la fortune. Talentueux, travailleur, prolifique, très actif, se déplaçant beaucoup en France, mais modeste, il ne les recherche sans doute pas vraiment : ce qui le motive, c'est avant tout son art et l'enseignement du dessin.



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André Eugène Costilhes est né le 8 avril 1865 à Cunlhat (Puy de Dôme), dans une famille de souche auvergnate extrêmement modeste (une autre branche de la famille Costilhes fournira, à partir des années 1700, une lignée de notaires à Saint-Dier-d'Auvergne, où se trouve l'hôtel particulier Costilhes, siège maintenant de la mairie).


	Ses grands-parents, Pierre Costilhes et Pétronille née Arsat, sont cultivateurs à Chabrolles, dans la commune de Saint-Dier. Son père Antoine, né à Saint-Dier en 1834, est peintre en bâtiment et plâtrier à Cunlhat. Appelé en qualité d'homme de troupe au 17ème bataillon de chasseurs à pied, il fait les campagnes de Crimée en 1855 - il est blessé lors du siège de Sébastopol - et d'Italie en 1859, et en rapporte plusieurs médailles. Après son retour, il épouse, en 1860, Annette Lagat, née en 1838 de père inconnu et d'une mère "domestique". 
	Le couple a quatre enfants : Marie Eugénie (1862 - ...), qui épouse Henri Anglade, gendarme à pied à Ambert, et donnera naissance à trois filles ; André Eugène ; Antoine (1872-1908), plâtrier et célibataire ; Marie Joséphine Eugénie, dite Maria (1874 - 1928), très pieuse et célibataire. La famille réside à Cunlhat dans une maison située 14 place du Foirail (l'actuelle place du marché). Au tournant du siècle, cette maison sera transformée quelque temps en humble café auberge par le couple - un visiteur rapporte en 1938 que "l'intérieur de cette demeure est assez pittoresque avec son plafond chevronné", décoration réalisée par André Eugène sans doute assisté par son père.

	Sa mère décède en 1909 et son père en 1920, à Cunlhat. Faute de moyens dans la famille, ils sont tous deux inhumés, de même que leur fils Antoine et leur fille Maria, dans le cimetière de Cunlhat, sans pierre tombale. Sur le tertre anonyme sous lequel git Antoine, une simple croix en chêne a porté pendant quelques dizaines d'années l'inscription suivante : ce fut un brave et honnête homme.

Après sa scolarité à Cunlhat, A.E Costilhes est, comme plus tard son frère, apprenti peintre avec son père. En 1881, âgé de 16 ans, il se rend à Clermont-Ferrand, où il travaille comme peintre pendant six mois. Puis il retourne à Cunlhat où il est à la fois plâtrier peintre et artiste peintre autodidacte. En 1883, à l'âge de 18 ans, il se rend à Paris, avec le soutien du maire Guyot-Dessaigne.

André Eugène avait en effet été rapidement remarqué pour ses dons pour le dessin (son père exerçait lui-même sa profession de plâtrier avec grand art). Edmond Guyot-Dessaigne, "le vieux sanglier", maire de Cunlhat de 1881 jusqu'à sa mort en 1907, député gauche radicale du Puy-de-Dôme, trois fois ministre (Justice et Cultes en 1889, Travaux Publics en 1896, Justice en 1907), l'encouragea dans sa volonté de devenir artiste peintre. Plus qu'un mentor et un pygmalion, il sera un ami. Nul doute que la carrière d'artiste d'AEC eut pris un tour différent, sur le plan de la notoriété notamment, si Guyot-Dessaigne avait vécu plus longtemps.

Dans la capitale, il suit les cours de dessin pour adultes de la ville de Paris dans le 14ème arrondissement (il obtient plusieurs médailles) et le cours du soir de l'Ecole Nationale des Arts Décoratifs, en 1883 et 1884, en même temps qu'Hector Guimard. Il est l'élève d'Eugène Grasset - l'un des précurseurs avec Mucha de l'Art Nouveau -, avec qui il collaborera par la suite. Il rencontre le sculpteur Ernest Dubois, qui réalise en 1885 le buste de Jules Fontaine (voir page 8).

Il fait ensuite son volontariat militaire pendant un an (1885-1886), au 98ème régiment d'infanterie de Clermont-Ferrand.


De retour à Paris, il est reçu premier au concours de l'Ecole Nationale des Beaux-Arts. Il y est élève peintre entre juillet 1887 et mai 1892, grâce à la pension du département du Puy de Dôme obtenue en 1884. Selon un compte-rendu des délibérations de ce Département d'aout 1885, "l'élève Costilhes s'est distingué en obtenant un prix de la ville de Paris. Il est élève de notre compatriote Alphonse Cornet (nb : le peintre du célèbre "Défilé des gueux", 1886), qui est très satisfait de ses progrès. M. Gustave Boulanger, de l'Institut (nb : et prix de Rome en 1849) lui donne de bonnes notes. M. Costilhes a envoyé au conseil général une copie de Charles Chaplin, "souvenirs" (nb : portrait d'une jeune fille en partie dévêtue, 1882), qui dénote des qualités sérieuses. Nous vous proposons le maintien de cette bourse, dans l'espoir que le titulaire répondra aux sacrifices du Département".

A l'ENSBA, il est l'élève de Luc Olivier-Merson, Pierre Victor-Galland - un maitre de la peinture décorative, qui jouera un rôle déterminant dans l'émergence de l'Art nouveau - et surtout de Léon Bonnat. Ce dernier eut notamment pour autres élèves Braque, Caillebotte, Dufy, Toulouse-Lautrec, Munch. Il obtient 26 récompenses dont dix médailles d'argent en composition décorative, des mentions et des premiers prix, et réussit au fil de ces années les différents concours qui jalonnent la scolarité aux Beaux-Arts.

Parallèlement, il obtient en 1890 le certificat d'aptitude à l'enseignement du dessin (premier degré, puis degré supérieur), en 1894 le certificat d'aptitude à l'enseignement du dessin à vue dans les écoles communales et les classes d'adultes de la ville de Paris, et en 1896 le certificat d'aptitude à l'enseignement de la composition décorative.

Un décret ministériel de septembre 1892 le nomme professeur. Il se rend alors à Marseille, où il enseigne le dessin au lycée pendant l'année scolaire 1892-1893. Il se lie d'amitié avec son collègue Charles Coulomb et son épouse Blanche, née d'Izalguier - parents du grand scientifique Jean Coulomb ; avec Marie Coulomb aussi, épouse d'Albert Laugier, parents d'Henri Laugier (cf infra). Il affectionne les longues promenades aux alentours de Mouzens, dans le Tarn, avec Jean Coulomb, un autre parent de cette famille.

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En janvier 1893, il épouse à Clermont-Ferrand Jeanne Lafont, "mineure âgée de 20 ans" est-il indiqué sur l'acte de mariage, fille de Jean-Pierre Lafont, qui tient un magasin de fournitures pour modes, blanc et lingerie dans cette ville, et de Marie Martin, décédée trois ans auparavant.

André Eugène tombe malade pendant l'été 93 et bénéficie d'un congé d'inactivité pour cause de maladie pendant trois années scolaires consécutives (1893 - 1896). Il réside à Clermont-Ferrand pendant cette période ( 1 rue Massillon puis 5 boulevard Gergovie), posant son chevalet dans les bourgs voisins de Beaumont, Royat, Villars, Riom, Châtelguyon. Il expose des œuvres dans les salons locaux : ainsi, en 1895, à l'exposition des Beaux-Arts de Clermont-Ferrand (deux études de paysages de Châtelguyon; deux portraits; une maquette).

Cette même année, il est chargé de travaux de peinture décorative pour la préfecture de Clermont-Ferrand. Lors de sa visite officielle, le Président Félix Faure "admire beaucoup, dans la salle de la préfecture, les panneaux peints par MM. Costilhes et Chassagne. Il déclare qu'il leur en commanderait deux pour le palais de L'Elysée. Le soir, ces deux artistes lui sont présentés". Autre écho de la presse locale : "les portes du salon sont ornées de peintures décoratives du plus gracieux effet de MM. Costilhes et Chassagne, anciens boursiers du département à l'Ecole Nationale des Beaux-Arts, œuvres pour lesquelles ils n'ont pas demandé d'honoraires".

II se déplace par intermittence à Paris mais se rend régulièrement à Cunlhat, où il peut désormais côtoyer les notables du bourg - comme le directeur de l'école publique Monteil, le juge de paix Couderc, le pharmacien Amblard, l'architecte Péghoux ou l'agent d'assurances et greffier à la justice de paix Louis Imberdis, - et des environs, et participer à leurs réunions sous la houlette de Guyot-Dessaigne, notamment à la villa Marie-Louise dénommée par la suite la villa rose, chez Jean-Baptiste Bourcheix.

André Eugène fait des portraits, huiles ou sanguines, des uns et des autres. Simone Parot, dans son ouvrage de référence "Les familles Teyras, Teyras de Grandval, Teyras de Liberty et leurs descendances jusqu'à nos jours", publié par l'ARGHA en 2003, reproduit des portraits à l'huile qu'il a signés de Gabriel Delotz et de son épouse Marie Chappelle, dont deux des fils, Ernest et Annet, ont épousé en 1888 et 1889 deux sœurs Costilhes, Nancy et Jeanne, filles de Maurice Costilhes, notaire à Saint-Dier. Il réalise aussi le portrait d'Ernest Delotz, l'époux de Nancy, et très vraisemblablement d'autres membres de cette famille.

Il s'installe définitivement à Paris avec Jeanne en 1896, louant des appartements successivement 25 rue Vanneau, 4 rue Boileau, 8 Villa Michel-Ange , 3 Place des Vosges et enfin, à partir de 1910 jusqu'à sa mort, 16 rue de Birague. Le couple tient régulièrement salon le dimanche, Jeanne prenant plaisir à recevoir artistes et notables, parmi lesquels Guyot-Dessaigne et Laugier, qui relate l'un de ces déjeuners, en janvier 1907, dans une lettre adressée à sa famille.

Membre de la Société des artistes décorateurs, fondée par Eugène Grasset et Hector Guimard, et plus tard de l'Union des arts décoratifs, membre de la Société amicale des peintres et des sculpteurs français, A.E Costilhes consacre une bonne partie de son temps à la peinture décorative.

Il participe avec Eugène Grasset à des travaux de décoration à l'exposition universelle de Paris de 1900 et est invité à la grande fête donnée en juillet par le gouvernement en l'honneur des collaborateurs de l'exposition et des sociétés ouvrières.

Dans son ouvrage "La décoration et les industries d'art à l'exposition universelle de 1900" publié en 1901, le très célèbre critique d'art Roger Marx écrit : " si vive que fut chez M. Jacques Hersant (note : l'architecte) la curiosité de ces regards sur le passé, il demeurait moderne, au point de demander à M. Grasset et à M. Costilhes la décoration des salons rétrospectifs du Costume et de la Dentelle, au point aussi d'adopter franchement l'affiche comme enseigne des sections centennales".

En janvier 1904, il participe à l'exposition d'arts décoratifs au Petit Palais, et en 1925 à l'exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, où "l'on aura un plaisir des plus vifs à considérer la petite section d'art rustique par Pierre Roche, avec le concours, entre autres, d'Eugène Costilhes".

A l'âge de 72 ans, Il effectuera encore des travaux de décoration du Pavillon de l'URSS lors de l'exposition universelle de Paris "Arts et techniques dans la vie moderne" en 1937.

Il décore aussi des hôtels particuliers à Paris (1898), à Nancy (1903), à Saint-Dizier, l'annexe du ministère de la Marine, les maisons Porcher et Fauchon place de la Madeleine (1901 et 1910), des établissements publics (amphithéâtre de l'ENV à Alfort, 1917), des châteaux (château de l'Orfrasière à Nouzilly, Indre et Loire, 1904), des églises. Il dessine aussi des rampes, des grilles, des balustrades en fer forgé pour des ferronniers d'art .

Proche d'Eugène Grasset, il s'intéresse à l'Ecole de Nancy, fer de lance de l'art nouveau, dont la philosophie - qui est de défendre et développer les intérêts industriels, ouvriers et commerciaux du pays dans les milieux d'enseignement et de culture favorables à l'épanouissement des industries d'art par la collaboration de tous les corps de métiers - correspond tout à fait à ses propres idées. Il se rend à plusieurs reprises à Nancy.

En 1918, il enseigne à l'Ecole Normale de l'Enseignement Technique, section industrielle, et de 1916 jusqu'à 1930 à l'école Arago, où il prépare les candidats aux Arts et Métiers pour les épreuves de dessin d'ornement et d'écriture.

Plusieurs de ses tableaux sont utilisés, parfois conçus, pour des publicités : encres de la maison Emile Ogé (la Seine, Le pont Valentré à Cahors), publiée par la revue l'Illustration en 1934, maison de vins (Chaix à Paris), promotion touristique de Dreux.

En 1899, il contribue avec les membres de la Société Artistique du Livre Illustré à la gravure sur bois de compositions originales de Gérardin ornant le livre "Les Fêtes galantes" de Paul Verlaine.

Inspecteur auxiliaire de l’enseignement du dessin dans les lycées et collèges et des musées de l’Etat, professeur de dessin des écoles de la ville de Paris depuis 1896, il devient en 1924 directeur du cours supérieur du soir de dessin pour adultes, 6 place des Vosges, où enseigne également Paul Darbefeuille (ce dernier initiera au dessin, en 1942, Bernard Buffet, dans cette même école). Il s'y consacre à la section des modèles vivants (nus académiques). Il regrette que "peu d'artisans et d'ouvriers puissent y assister, c'est pour eux cependant qu'ont été faits les cours de dessin du soir".

De par ses fonctions, il participe à des jurys d'examens. Son ami le peintre Paul Michel Dupuy, qui fut aussi élève de Bonnat, lui écrit ainsi en 1936 : "mon vieux Costilhes, il nous faut défendre deux Bonnat pour les élections du jury, le Tavernier et le Jonas. Je te demande de bien penser à eux".

Il est fait officier d'académie (1902) et officier de l'Instruction Publique (1907).

A.E Costilhes fréquente des universitaires et des scientifiques, comme Henri Laugier, parrain de son fils Henri, qui sera notamment secrétaire général adjoint de l'ONU après la guerre et co-rédigera la Déclaration universelle des droits de l'homme. Laugier écrit en 1939 : "j'ai beaucoup d'affection et de reconnaissance pour ce vieux professeur peintre. C'était le seul parisien que connaissaient mes parents quand je suis venu à Paris presqu'en pantalons courts. Il m'a accueilli, il m'a reçu et je retrouvai chez lui l'atmosphère de ma famille". Il fréquente aussi Etienne Michon, conservateur au musée du Louvre, historien de l'art, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, et les parlementaires SFIO Petel et Gossot, ce dernier inspecteur d'académie actif dans la Ligue Française de l'Enseignement. Des hommes qui, comme lui, ont la fibre sociale.

Il a également pour amis des artistes peintres, certains connus, d'autres moins mais pourtant fort talentueux : Victor Charreton, cofondateur de l'Ecole des peintres de Murol(s) - qu'André Eugène fréquente, logeant à l'hôtel de la poste comme ses confrères, et où il fait naturellement la connaissance de l'abbé Léon Boudal - qui s'installe à Saint-Amant-Tallende et décède à Clermont-Ferrand ; Pierre Franc-Lamy, clermontois, l'un des compagnons préférés de Renoir (il figure sur le célèbre tableau "Le bal du moulin de la Galette") ; Alphonse Cornet, natif de Riom (qui dédicace en 1885 à son élève une de ses gravures de "gueux") ; Gilbert Bellan ; Denis Etcheverry ; Claudius Denis ; Alfred Martin ; André Devambez ; Edouard Michon; André Wiethoff. Il fréquente aussi Edmond Grandjean, Maurice Lenoir, Louis Roger Maillart, Géo Lachaux, Paul Michel Dupuy, Eugène Chigot, Georges Auriol, Roger Nivelt, Jeanne Judith Croulard.

Dans les années 30, il est membre de la "Horde de Montparnasse", groupement intellectuel et d'entraide artistique dont le siège est à "La Rotonde" et dont quelques artistes membres qui exposent en plein air sont en résidence à la célèbre Ruche des Arts, passage Dantzig dans le 15ème.

Il est en contact avec les migrants auvergnats de Paris, notamment par le biais de la Société de La Soupe aux Choux dont il est, comme Franc-Lamy - son compère Auvergnat qui donnera son nom de baptême à cette Société -, un sociétaire assidu. Fondée en 1880, la Soupe aux Choux avait pour vocation de rassembler les Auvergnats attachés aux arts et à la culture ; elle organise chaque année de 1885 à 1914 un salon d'art auvergnat. Dans un long article du 25 octobre 1890 consacré par Le Figaro aux Auvergnats "émigrés" à Paris, AEC est mentionné, alors qu'il n'a que 25 ans, aux côtés de Franc-Lamy. Dans un article de la Revue littéraire et artistique de Paris et de Champagne de juillet 1906, il est cité aux côtés d'Alphonse Cornet en tant qu' artiste contemporain auvergnat.

Il connait Etienne Clementel, Auvergnat de Riom, homme politique qui fut plusieurs fois ministre, mais aussi artiste peintre et photographe amateur de talent. Il lit L'Alauza d'Auvernha, "organe de la maintenance d'Auvergne et des sociétés auvergnates à Paris", publié en partie en patois. Il présente des meubles auvergnats à l'exposition d'art rustique dans le cadre de la première exposition des Arts décoratifs au Petit Palais en 1904, à laquelle il participe activement.

Il n'oublie pas les siens à Cunlhat. Entre 1910 et 1928, il adresse chaque mois un mandat à son père, qui est à sa charge, puis à sa sœur Maria. Il aide ponctuellement une de ses nièces dans le besoin à Clermont-Ferrand. Républicain, progressiste, pacifiste, libre penseur, il n'hésite pas à s'engager. En 1899, il est membre de la Société Ouvrière d'Entreprise Générale de Peinture ; en 1902, il devient membre actif-fondateur du Peuple Prévoyant, société civile et philanthropique sise à Paris. Initié à Cunlhat, jeune encore, par Guyot-Dessaigne, il adhère, vers 1902, à la franc-maçonnerie, loge La Libre Pensée du Grand Orient de France. Son ami Henri Laugier est lui aussi franc-maçon. Mais A.E Costilhes cesse d'être membre de la loge une dizaine d'années plus tard.

Il est sociétaire des Artistes Français, ainsi que des Artistes Indépendants dont le Salon installera sur ses cimaises toute l'histoire de la peinture moderne. Pour tenter de se faire connaître, un artiste devait impérativement exposer aux Salons, et donc mériter d'être sélectionné par le jury. AE Costilhes expose notamment (voir encadré):

	- au Salon des Beaux-Arts de 1892 (Portrait de Guyot-Dessaigne, député) ;
	- au Salon des Artistes Français, dans les sections de peinture et d'architecture (maquettes de décorations) : 1891 (La ferme de la Gourmière) ; 1896 (Décoration d'une des portes de la préfecture du Puy-de-Dôme ; Décoration du plafond du salon de lecture du nouvel hôtel de Châtelguyon-les-bains), 1903 (Léda - huile ; La fontaine de Cunlhat - aquarelle), 1905 (Effet du soir - pastel), 1907 (Portrait de Guyot-Dessaigne, garde des Sceaux, à sa table de travail ; Coin de village aux environs de Clermont-Ferrand), 1908 (Portrait de J.), 1910 (Pastorale), 1911 (Labours en Auvergne, près de Saint-Amant-Tallende), 1913 (Après le bain, grande huile de 2m05 sur 1m50), 1921 (six dessins), 1932 (La rue de l'Epicerie à Rouen - aquarelle) ;
	- au Salon des Indépendants : 1903 (L'étang de Bromont, effet du soir ; Paysage), 1907 (Chemin creux de Villars en Auvergne ; Vue de Royat ; Vieux clocher en Auvergne ; Porte de village en Auvergne ; dessus de cheminée - panneau décoratif à la fresque) et 1934 (Paysage d'Ile-de-France ; Nature morte) ; 
	- au Salon d'Automne : 1903 (L'étang de Bromont, effet du soir ; Paysage) ;
	- au Salon de Nantes : 1904 (la place de la fontaine à Cunlhat - aquarelle ; La ferme de Bretagne), 1905 (Léda ; Lavandières de Cunlhat - aquarelle), 1906 (Bergers et moutons ; Coucher de soleil sur l'étang), 1907 (Nature morte, oranges et citrons ; La Seine au pont Mirabeau) ;
	- à la Soupe aux Choux, exposition à Paris de l'union artistique et littéraire d'Auvergne : 1891 (Village breton ; Un coin de parc), 1905 (La place de la fontaine à Cunlhat - aquarelle ; Paysage au bord du lac ; esquisse pour panneaux décoratifs ; panneau décoratif pour dessus de cheminée) ; 
	- au Salon du Centre à Clermont-Ferrand : 1905, 1907 (Portrait de Guyot-Dessaigne dans son bureau ; Coucher de soleil sur l'étang), 1934 (Labours en Auvergne ; Notre-Dame de Paris façade ouest ; Notre-Dame de Paris, façade sud ; Le pont Marie et Saint-Gervais à l'automne ; Nature morte);
	- aux Artistes régionalistes, place de la Bastille, en 1933 ; au Salon des échanges, porte de Versailles, en 1935.







au Salon des Beaux-Arts de 1892 (Portrait de Guyot-Dessaigne, député) ;
au Salon des Artistes Français, dans les sections de peinture et d'architecture (maquettes de décorations) : 1891 (La ferme de la Gourmière) ; 1896 (Décoration d'une des portes de la préfecture du Puy-de-Dôme ; Décoration du plafond du salon de lecture du nouvel hôtel de Châtelguyon-les-bains), 1903 (Léda - huile ; La fontaine de Cunlhat - aquarelle), 1905 (Effet du soir - pastel), 1907 (Portrait de Guyot-Dessaigne, garde des Sceaux ; Coin de village aux environs de Clermont-Ferrand), 1908 (Portrait de J.), 1910 (Pastorale), 1911 (Labours en Auvergne, près de Saint-Amant-Tallende), 1913 (Après le bain), 1921 (six dessins), 1932 (La rue de l'Epicerie à Rouen - aquarelle) ;
au Salon des Indépendants : 1903 (L'étang de Bromont, effet du soir ; Paysage), 1907 (Chemin creux de Villars en Auvergne ; Vue de Royat ; Vieux clocher en Auvergne ; Porte de village en Auvergne ; dessus de cheminée - panneau décoratif à la fresque) et 1934 (Paysage d'Ile-de-France ; Nature morte) ; 
au Salon d'Automne : 1903 (L'étang de Bromont, effet du soir ; Paysage) ;
au Salon de Nantes : 1904 (la place de la fontaine à Cunlhat - aquarelle ; La ferme de Bretagne), 1905 (Léda ; Lavandières de Cunlhat - aquarelle), 1906 (Bergers et moutons ; Coucher de soleil sur l'étang), 1907 (Nature morte, oranges et citrons ; La Seine au pont Mirabeau) ;
à la Soupe aux Choux, exposition à Paris de l'union artistique et littéraire d'Auvergne : 1891 (Village breton ; Un coin de parc), 1905 (La place de la fontaine à Cunlhat - aquarelle ; Paysage au bord du lac ; esquisse pour panneaux décoratifs ; panneau décoratif pour dessus de cheminée) ;  
au Salon du Centre à Clermont-Ferrand : 1905, 1907 (Portrait de Guyot-Dessaigne dans son bureau ; Coucher de soleil sur l'étang), 1934 (Labours en Auvergne ; Notre-Dame de Paris façade ouest ; Notre-Dame de Paris, façade sud ; Le pont Marie et Saint-Gervais à l'automne ; Nature morte);
à une exposition d’une vingtaine de peintres Montmartrois, dont Pissarro, à Amiens (avant 1903);
aux Artistes régionalistes, place de la Bastille, en 1933 ; au Salon des échanges, porte de Versailles, en 1935.

A la demande de Guyot-Dessaigne, alors garde des Sceaux, quelques mois seulement avant la mort de ce dernier, l'Etat se porte en 1907 acquéreur du tableau "Coin de village aux environs de Clermont-Ferrand" exposé au Salon de cette même année, et, toujours à la demande de Guyot-Dessaigne, ce tableau est attribué à titre de dépôt au musée de Clermont-Ferrand (cette grande huile sur toile de 2,10m sur 1,75m, qui représente une rue de Beaumont devant Notre-Dame de la Rivière, avec une femme et des oies devant l'abreuvoir, se trouve actuellement dans les réserves du musée d'art Roger Quilliot). Dans son ouvrage illustré de référence "l'Auvergne", paru en 1912, Louis Bréhier reproduit une photographie de ce tableau, intitulé "village de Beaumont".

Le musée du Louvre, département des arts graphiques, détient, par reversement du musée du Luxembourg, puis du musée d'art moderne de Paris en 1977, un dessin à l'encre de cette même vue de Beaumont (cabinet des dessins, fonds des dessins et miniatures, RF39279).

Une toile achetée par l'Etat en 1936 est mise en dépôt à la mairie d'Ermont (Le pont Marie et St. Gervais, la Seine au printemps).

Une quatrième œuvre (Paysage) est également acquise vers la même époque par l'Etat et attribuée au musée Francisque Mandet de Riom (ce musée n'a pas été en mesure de retrouver cette œuvre dans ses réserves).

En 1913, A.E Costilhes fait don d'une de ses œuvres (Le labourage) au nouveau musée de Tananarive à l'occasion de l'exposition organisée par la Société Coloniale des Artistes Français. Les œuvres des artistes avaient été exposées à Paris, à la galerie Bernheim-Jeune, avant d'être expédiées à Madagascar.

Il donne en 1927 une œuvre à la galerie d'art de l'association des anciens élèves de l'école Arago à Paris créée la même année.

Henri Laugier acquiert en 1965, "en souvenir de l'ami et de l'artiste Costilhes", un grand "et très beau" tableau représentant un sous-bois, "paysage auvergnat qui a beaucoup de parenté avec nombre de paysages de Haute Provence", pour l'offrir à l'école de Simiane (-la-Rotonde), en Provence, où son père avait été instituteur.

Un autoportrait a été offert par la famille de l'artiste à la mairie de Cunlhat à l'issue de l'exposition d'août 2012 dans son bourg natal.

AEC réalise une peinture religieuse destinée à l'église de Zizelich en Tchécoslovaquie.

L'agence photographique de la Réunion des musées nationaux RMN conserve 2 clichés négatifs monochromes sur support verre par François Antoine Vizzavona de tableaux d'A.E Costilhes : la Pastorale exposée au Salon des Artistes Français de 1910 et Après le bain, exposé au Salon des Artistes Français de 1913, ainsi qu'un cliché du dessin conservé au musée du Louvre.

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Il sillonne les quartiers de Paris avec son nécessaire de peinture. Ses tableaux - huiles, aquarelles et sanguines - représentent, entre autres, les quartiers où il a vécu (place des Vosges, place de la Bastille, rue de Birague, rue Saint-Antoine, rue de l'Hôtel de Ville), ceux qu'il a fréquentés, comme Montmartre, mais aussi la Seine et ses ponts (pont Neuf, pont des Arts, pont Marie, pont Louis Philippe, pont Mirabeau), les espaces verts de la capitale (jardin du Luxembourg, parc des Tuileries), des monuments (Arc de Triomphe, Colonne de Juillet, obélisque de la Concorde, Panthéon), ainsi que des façades de nombreuses églises (cathédrale Nore-Dame, Madeleine, Notre-Dame de Bercy, Saint Gervais, Saint-Julien -le-Pauvre, Saint-Médard, la chapelle expiatoire Louis XVI).


Il exécute avec un grand talent des portraits de clients dans son atelier de la rue de Birague. Il dessine et peint également de nombreux portraits des membres de sa famille, de son père (à Cunlhat) notamment. Il réalise plusieurs autoportraits, souvent coiffé d'un chapeau ou de la chéchia rapportée d'Orient par son père.

Il aime travailler sur le motif en plein air, et se déplace beaucoup. Avant la guerre de 14-18, ses paysages représentent surtout l'Auvergne : le Livradois, Royat, Beaumont, Bromont, Pontgibaud, Saint-Amant-Tallende, le lac Chambon et la vallée de Chaudefour, Issoire, Chatel-Guyon, Le Puy, Saint-Germain Lambron, Aubière, Tournoël, Bromont-Lamothe, Orcival, Vic le Compte, Chateauneuf, Billom, Riom, Murol, Auzelles... ; la Corrèze (Bort-les-Orgues) ; la Bretagne (Paimpol en 1908, Saint-Brieuc, Auderville) ; la Manche (il exécute plusieurs tableaux de l'église Notre-Dame de Jobourg que Jean-François Millet, cofondateur de l'école de Barbizon et natif de la région, avait fort regretté de ne pas avoir eu le temps de dessiner ; il peint également l'église Sainte-Colombe à Gréville-Hague, rendue célèbre par le tableau de Millet, ainsi que le nez de Jobourg et son phare, les falaises et l'anse de Culrond, Ecalgrain, La Hague, Créances  ou encore les cabanes des douaniers) ; Paris et Versailles.

Après la guerre, encore un peu l'Auvergne, mais surtout Paris, ainsi que la Normandie et l'Ile de France - il a acquis vers 1925 une petite maison à Pontchartrain - où sa belle famille en possédait une - avenue du château (elle sera détruite en 1996 lors des travaux de construction de la déviation), où il passe la plupart de son temps à croquer la nature. Il peint également le bourg, notamment la place Ronde, et représente un certain nombre de proches et de connaissances (notamment le charron, l'un des plus beaux portraits qu'il ait réalisés dans les années 30).

En Normandie et au delà dans le nord, où il se rend seul ou avec Anna et leurs enfants entre 1920 et 1939, il pose ainsi son chevalet à Rouen,  Honfleur (il peint, comme Corot, Monet, Jongkind, la chapelle Notre-Dame de grâce, sur les hauteurs du Mont-Joli), Sainte Adresse, Le Havre (abbaye de Graville), Harfleur (où il peint l'église Saint-Martin et le pont sur la Lézarde),  Etretat (les falaises l'inspirent comme avant lui Courbet, Manet et Boudin), Dieppe et Varengeville (nul doute que comme Monet et Renoir il ait peint les falaises, et l'église Saint-Valéry entourée de son cimetière marin), Dunkerque, Quend-Plage -les-Pins, Berck...

En Ile de France, il peint, en plein air toujours, à Vetheuil (notamment l'église, comme Monet), Versailles, Montfort-L'amaury, Dreux, Maurepas, Bois d'Arcy, Neauphle le Chateau, Houdan, Mantes. Il se rend également à Fontainebleau, Chartres, Tours, Cahors, Toulouse (à Saint-Julia-de Gras-Capou, il peint l'église avec son clocher en éventail).

Lors de son séjour à Marseille, il s'était rendu en visite à Nîmes, Avignon, Arles, Aigues Mortes et au pont du Gard.

Ses œuvres ne sont pas toujours signées, et elles sont rarement datées.

Il expose plusieurs œuvres à la célèbre galerie Durand Ruel, 16 rue Lafitte, en novembre-décembre 1902 (cf." catalogue des tableaux exécutés avec les nouvelles couleurs solides à l'huile"), aux côtés de Victor Prouvé, Théophile Steinlein, Jules Chéret. L'année suivante, il  expose "La Seine à Paris" chez l'autre galeriste grand promoteur de l'école impressionniste, Georges Petit.

A.E Costilhes est également féru de photographie : il réalise plusieurs centaines de plaques sur verre, dont une partie consacrée à l'Auvergne se trouve depuis 2011 à la photothèque des Archives départementales du Puy-de-Dôme à Clermont-Ferrand, et une autre partie ayant pour sujet la capitale est conservée aux Archives de Paris.

S'il se déplace très fréquemment en France, il ne fait en revanche, semble-t-il, que deux voyages à l'étranger : Londres en 1907 et 1908 (pour l'exposition de la ville de Paris au 3ème congrès international de l'enseignement du dessin), Florence, Venise et Turin, avec Jeanne en 1911, à l'occasion de l'exposition internationale des Industries et du Travail (il compose et dessine la grille en fer forgé).

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Son épouse Jeanne est devenue son élève, mais peint dans des tonalités plus pâles. Signant Jane Costilhes, elle expose notamment au salon des Indépendants en 1911 (6 tableaux d'intérieurs et des fleurs) et 1912 (2 natures mortes et un tableau d'intérieur).

Jeanne, dont la santé fut toujours fragile, décède en mars 1913 à la suite d'une opération, à l'âge de 39 ans. André Eugène écrit dans son carnet : " arrivé à l'hôpital le 26 à 5 heures, je trouve ma pauvre femme m'attendant et me disant qu'elle allait mourir, c'était affreux" (...) "9h30, ma pauvre Jeanne est morte" (...) "cette année est la plus triste que j'ai vécue. Que me réservent les autres? Mon bonheur a duré 20 ans. Je m'en aperçois maintenant, surtout après l'avoir perdue. Quelle belle âme avait ma chère femme et combien elle était vraiment supérieure à qui que ce soit que j'ai connu. Qu'espérer maintenant? Travailler pour quoi, pour qui? Je n'ai de vraie amitié que pour Henri Laugier qui a assisté avec moi à ses derniers moments" (...).

Ces sentiments sont réciproques. Pendant sa longue agonie, Jeanne dit à André Eugène qu'elle a été sa compagne fidèle et aimante pendant 20 ans, qu'elle a pris part à tous ses travaux. Elle s'inquiète de l'avenir de son époux et le confie à Henri Laugier ,"il faudra lui faire une petite famille". Elle lui demande "d'aller souvent chez Franc-Lamy, homme de bon conseil, loyal et bon, qui l'encouragera". Ses presque derniers mots sont pour se préoccuper d'un tableau, "sur lequel nous avons travaillé ensemble", accepté au Salon.

AEC sculpte dans son atelier une stèle sur plâtre, représentant le portrait de sa femme, qu'il fait graver et sceller en 1914 sur le monument funéraire de Jeanne, au cimetière des Carmes à Clermont-Ferrand. On y voit encore sous le portrait de la défunte, l'inscription "A ma chère compagne affectueuse et dévouée, mon souvenir ému", suivie de sa signature.

Totalement désemparé et abattu par cette disparition soudaine, il cesse de dessiner et de peindre pendant de longs mois. Il écrit à Franc-Lamy : "rien plus ne m'intéresse. J'ai voyagé, j'ai vu beaucoup de pays et je n'ai même pas eu une seule fois l'envie de faire même un bout de croquis, moi qui croyais autrefois avoir en cas de malheur un dérivatif et un but dans la vie (...) J'ai essayé d'aller au croquis hier, mais je n'ai pas pu rester plus d'une heure. Ca ne marchait plus".

Son fidèle ami Henri Laugier, l'aide à refaire surface. En septembre 1913, il lui écrit, après avoir rappelé "les moments d'épouvantable émotion vécus ensemble" pendant l'agonie de Jeanne : "j'ai peur que vous ne vous abandonniez, dans votre travail et dans votre maison, disant " advienne que pourra" (...). ... ne faites rien, je vous en supplie, sans en mesurer de sang froid les conséquences ; et conservez à chaque instant la direction de votre vie". Mais il cessera d'exposer (sauf entre 1932 et 1937), et se souciera à vrai dire peu de vendre ses tableaux (il expose une ou plusieurs œuvres à la galerie P. Hénaut en 1930 ; 5 vues de Paris et 6 études de nus à la galerie des Champs-Elysées en 1937. Les quelque 350 œuvres, réalisées entre 1885 et 1940, qui sont présentées sur ce site - les photos amateurs, sauf celles des musées, sont de piètre qualité et ne reflètent pas fidèlement la qualité esthétique des tableaux - proviennent de la collection familiale.

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Après le décès de sa femme, puis celui de son père en 1920, et avançant en âge (les voyages de Paris vers l'Auvergne sont longs et fatigants, coûteux aussi), ses visites à Clermont-Ferrand et Cunlhat, avec les déplacements à Pontgibaud, Saint-Amant-Tallende, Billom, Issoire, Le Puy ou Murol(s), se font plus rares puis cessent. Dans son bourg natal, il a l'habitude de louer une chambre au manoir du Verdier (1920).

Son ami le peintre André Wiethoff, en visite à Cunlhat en 1938, rapporte dans une carte postale à André Eugène, "qu'un certain Charbonnier, ancien instituteur de son état, tout en sirotant un apéritif local, me fit que compliments sur vos dons de peintre portraitiste. Pourriez vous dire comme Ulysse qui fit un beau voyage si vous étiez venu à Cunlhat avec moi où je n'ai entendu que louanges sur vos mérites, votre intelligence et votre savoir, à quand la plaque commémorative et le buste, dans 30 ou 40 ans peut-être ?".

Désireux de fonder une famille, il se remarie en 1915 avec Anna Fontaine, infirmière et assistante sociale, âgée de 25 ans. Son grand-père Jules, polytechnicien, avait été directeur des domaines pendant la Commune de Paris, et son père, Henri, avait été le secrétaire de Jules. Ils furent tous deux condamnés en 1871, le premier au bagne à Nouméa - au pénitentier de l'île de Nou, "le plus sombre cercle de l'enfer" , le second par contumace car réfugié en Angleterre. Anna, cultivée, se révéla être une femme de caractère, énergique, courageuse, sachant concilier son lourd métier d'infirmière et ses tâches de ménagère, raisonnablement féministe, soucieuse du bien-être de son mari bien plus âgé qu'elle. Quoique peu fortuné, le couple est généreux. Il accueille chez lui en 39-40 un jeune étudiant chinois, Li Shih Liang, qui s'adressera à André Eugène et Anna en les appelant "papa" et "maman" (Li, avec Berthe, soignera AEC à Pontchartrain fin aout 1940 et assistera à son dernier soupir).

Trois enfants naissent de cette union : Henri (1916 - 1995), qui fut ambassadeur, Berthe (madame veuve Philippe Mettetal, née en 1919) et Henriette, " Poupette". Mais un nouveau malheur frappe André Eugène en 1929 : sa plus jeune fille décède de la typhoïde à l'âge de cinq ans.

A.E Costilhes continuera néanmoins à dessiner et à peindre jusqu'à l'extrême fin de sa vie. A la retraite à partir de 1930, sa maigre pension de professeur suffit à peine pour subvenir aux besoins de la famille dont les deux enfants sont étudiants. Il obtient du ministère des Beaux-Arts, en juillet 1939, un secours de 1000 francs.

Anna raconte ainsi à sa fille l'exécution à Pontchartrain de son dernier tableau, quelques mois avant sa mort.

"Ce 22 janvier 1940, papa, malgré un froid intense et la neige glacée, inspiré par la beauté des arbres dépouillés et probablement par cette transparence irréelle de la lumière, a tenu à figer ses impressions sur cette toile (la dernière œuvre que je lui vis exécuter). Il s'était creusé une petite plate-forme, à la pioche, et, sabots aux pieds, tête couverte, mais doigts sans gants, il resta, dans l'air glacial, pour finir ce qu'il avait commencé, sans pause aucune (et il allait avoir 75 ans!). Je l'ai prié de te dédicacer, pour ton anniversaire, cette petite merveille de sensibilité et d'émotion.

Or, le même soir, tandis qu'il se réchauffait, près de la cuisinière, dans la grande cuisine, il glissa, sans connaissance, de la chaise où il était assis... Aucun secours à espérer du dehors, la nuit était venue, le verglas était tel qu'il était impossible de se hasarder à faire un pas au dehors, le gel était si fort que les clés ne pouvaient tourner dans les serrures extérieures : isolement total... Je l'entourai de couvertures, lui fis boire un café très chaud : il ouvrit les yeux (heureusement son cœur était solide). J'ai redouté le pire pendant un temps qui me parut interminable. Bien réchauffé, enveloppé de couvertures chaudes dans son lit, il s'endormit tranquillement. Que d'émotions personnelles liées à ce petit tableau!".

En juin 1940, séparé de sa femme (Anna a été envoyée peu de temps auparavant avec des collègues du CNRS, qu'elle venait d'intégrer, dans le sud-ouest), il part en exode à Clermont-Ferrand avec sa fille Berthe et un couple d'amis chartripontains , les B..., projetant de se rendre ensuite à Cunlhat où son ami Jean Bastier, dit le cordier, et quelques autres comme Jean Gourcy, le jeune photographe chez qui Antoine Costilhes venait "prendre la soupe" vers la fin de sa vie, étaient prêts à l'accueillir. Malgré un voyage exténuant et aventureux pour un homme de son âge, il continue à dessiner pendant ces quelques jours en Auvergne, notamment le portrait de l'ami qui l' hébergeait, Gustave Vergne.

Mais usé physiquement et moralement, très marqué par la défaite, il retourne à Pontchartrain avec Berthe une semaine après. Il décède le 1er septembre 1940, sans avoir revu sa femme qui ne pourra rejoindre la région parisienne que trois semaines plus tard. Il est inhumé au cimetière de Jouars-Pontchartrain, "près du clocher qu'il a si souvent représenté", de même que sa fille Henriette. Anna, décédée à Deauville en 1974, y est également inhumée.


Jacques-André Costilhes, décembre 2014